Serait-ce un nouveau langage, une forêt
De signes qui resurgit avec le jour, avec
L’orchestre des échos, l’harmonie des accords,
Et tout au long d’un chemin d’automne,
Les recommencements de la mer, une promesse
Qui s’en va et qui revient comme une vague
Profonde ? Qui êtes-vous parmi les voix ?
Je m’étais mis à l’écoute du parler des portes
Et du sable, cherchant dans la pierre
Une mémoire obscure, les froissements
Du songe ou la violence des sources. Tout cela
Ne serait-il que fables et chimères ?
Lionel Ray
Les récits de l’ombre et autres poèmes
Gallimard, 84 p., 15 €.
Grande mais discrète voix de la poésie française, Lionel Ray publie depuis 1959 une œuvre en constante évolution. Passant du classicisme des débuts à une poésie formaliste bousculant le langage jusqu’à la fin des années 1970, il entame ensuite une réinvention du lyrisme, replaçant le récit de l’expérience vécue dans le lieu du poème. Depuis Comme un château défait, en 1993, ce lieu est aussi réflexion du sentiment de la perte, de l’horizon des fins et un questionnement constant sur l’identité. Les récits de l’ombre, son dernier recueil, poursuit ces traces, en projetant dans la nuit et les rêves les images accumulées et les paysages arpentés. Il instaure dans ces textes un calme lucide et un clair-obscur propice aux interrogations qui tissent nos existences. « Quand nous dormons qu’advient-il du silence, /Des rires et des jeux, des larmes et des joies ? » Peut-être viennent-ils tous se blottir au creux de nos poèmes.
Stéphane Bataillon
(Initialement paru dans La Croix l’hebdo n°212 du 15 décembre 2023)