Là où l’un s’arrête, l’autre commence.
Au-dessus, une bande de bleu, en dessous,
une bande de vert et d’or, de vert et de rose profond.
John se tient au bord de l’horizon : il veut
les deux à la fois, il veut
tout à la fois.
Les extrêmes, c’est facile. Il n’y a
que le milieu qui soit un problème. Le milieu de l’été –
tout est possible.
En d’autres termes : jamais plus la vie n’aura de fin.
Comment puis-je laisser mon mari
planté là, dans le jardin,
à rêver ce genre de choses, tenant
victorieusement son râteau et
s’apprêtant à annoncer cette découverte
alors que le feu du soleil estival
s’obstine à rester au point mort,
entièrement contenu par
les érables en feu
au bord du jardin.
Louise Glück
L’Iris sauvage, traduit par Marie Olivier, dans la revue Po&sie n°149-150 (2014), Belin.
La poétesse américaine Louise Glück vient d’être couronnée par le prix Nobel de littérature. Inconnue en France, car très peu traduite, sa poésie intime, subtile et exigeante, saisi les instants les plus quotidiens pour leur donner une portée universelle, usant de ce que sa traductrice Marie Olivier (et autrice d’une thèse sur elle) appelle « le désir du neutre ». Exemple avec cet extrait de L’Iris sauvage, l’un de ses recueils les plus reconnus. Une partie de son œuvre a pu être publiée en français par la grande revue Po&sie. Cette publication, fondée en 1977 et dirigée par Michel Deguy, a toujours été attentive aux voix poétiques d’ailleurs, tout en présentant le meilleur de la poésie contemporaine française. Un beau témoignage de l’échange fécond par ces mots qui nous portent.
Stéphane Bataillon
(Intialement paru dans La Croix l’hebdo n°54)