Le visage du lecteur est plus nu que l’air et son corps est souple, délivré de l’étroitesse d’agir. Allongé, bras et jambes négligemment appuyés sur plusieurs continents, il compte les étoiles dans le blanc orageux de la page.
Plus il s’approche de son rêve, plus le silence gagne sur lui.
Cérémonie du simple, exercice de la patience. Lire est un chemin, parmi tant d’autres. Croître en clarté, voilà le but.
Christian Bobin
Le Colporteur, Éditions Fata Morgana, 1990,
repris dans Les Différentes Régions du ciel, Gallimard,Coll. « Quarto », 1024 p., 26 €
Il préférait la poésie en prose aux vers. « Ça, c’est pas mon truc », avouait-il. Tout pourtant dans ses textes accordait le rythme de sa langue au chant du voleur de feu. Un chant patiemment entretenu, dans sa maison simple du Creusot, pour renouveler sans cesse une formulation personnelle et profonde de la présence. Quarante-cinq ans d’écriture poétique envisagés comme un chemin spirituel partant d’une souche commune qu’il situait dans un « regard d’enfance sur les choses et les gens », susceptible de repérer les failles, les désaccords, et d’en faire surgir un morceau de parole « Il n’y a aucune différence entre croire et vivre », écrivait-il dans Les Ruines du ciel. Christian Bobin nous a quittés le 23 novembre à l’âge de 71 ans. C’est une grande tristesse. Restent ses livres. Son tout dernier, Le Muguet rouge, publié le mois dernier chez Gallimard, et un fort volume de la collection Quarto, Les Différentes Régions du ciel, rassemblant 17 de ses plus grandes œuvres parmi lesquelles ce Colporteur, La Part manquante ou Le Très-bas, livre consacré à saint François d’Assise. Un très beau volume agrémenté d’un inédit, L’Eau des miroirs, et d’un cahier photographique retraçant son parcours. Une source inépuisable.
Stéphane Bataillon
(Article initialement publié dans La Croix L’Hebdo du 3 décembre 2022)