peut-être la pierre a-t-elle bougé, frémi, salué
les légendes le disent
la terre a tremblé
la mer s’est soulevée
les vents ont soufflé
la pierre est venue d’elle-même
fantôme des royaumes inférieurs
elle a marché, droite, vers ce lieu
d’autres disent que des anges l’ont apportée
des monstres, des diables, des sylvains, des dryades
des êtres étranges
tous les soirs elle va boire à la rivière
des rois la veillent
et des soldats au garde-à-vous
de bonnes fées la protègent
gentil monstre que caressent des mains
à force de passages, à force de traits, à force de caresses
à force d’amour
les lignes bougent, le dessin prend forme
un visage naît
Bernard Fournier
Dits de la pierre. La Feuille de thé, 184 p., 22 €
Écoutez ce poème (lecture Stéphane Bataillon) :
Qui est un jour passé par le Musée Fenaille de Rodez n’a pu être que saisi par sa collection de statues-menhirs. D’étranges figures anthropomorphes gravées sur de larges pierres plates datant du IIIe millénaire avant notre ère. Saisissantes de modernité par leurs traits épurés mais privées de parole, elles ont inspiré une épopée de mots à Bernard Fournier, grand spécialiste de Jacques Audiberti et d’un autre poète amateur de pierres et de menhirs, le breton Eugène Guillevic. Avec ces Dits de la pierre, il imagine comment des hommes sont venus lever, graver et donner un visage à ces minéraux anonymes. Sans éclaircir leurs énigmes, il nous chante ces statues qui, à travers le temps, sont les « signes certains de notre appartenance ».
Pour en savoir (et en voir) plus sur les statues-menhirs : musee-fenaille.rodezagglo.fr