La forêt des contes #1 : La forêt des heures, par Jacques Coutureau (1977)

En 1977, le conte de Jacques Coutureau « La forêt des heures » sort chez Edwards records sous forme d’un 33 Tours. Lu par l’auteur, sur sa musique, ce conte original est, du plus loin que je me souvienne, l’histoire qui a le plus teintée mon enfance d’un parfum étrange, un peu angoissant, mais que j’aimais réécouter sans cesse. Attiré par sa magie, sans rien connaitre ni de l’auteur, ni de cette forêt, ni de la puissance du conte. Pour débuter cette série d’articles autour du conte, l’une de mes passions, je voulais vous le faire découvrir. Chose désormais possible grâce à la numérisation effectuée par d’autres passionnés. En voici donc la version complète, augmentée de la retranscription des profonds textes de la  pochette.

Face A (17:53) :

Face B (17:32) :

Texte de la pochette :
La forêt des heures
Conte et musique de Jacques Coutureau

Légende Photo : L’orgue de verre ou cristal, les percussions claires, les percussions sourdes, les sifflants et les cloches, dont joue Jacques Coutureau sont des créations Baschet.

Des années durant, avec ses amis du Magic Circus, Jacques Coutureau joua, chanta, et composa la musique des histoires et des contes mis en scène sur les théâtres de France et d’ailleurs. Depuis des mois et des mois, seul désormais, il va d’école en école ou de fête en fête pour enchanter les petits et les grands, en s’accompagnant d’un merveilleux instrument de musique qu’il a fabriqué à l’aide d’un autre conteur, Bruno de la Salle, et d’après les recherches des frères Baschet. Et le voici devenu conteur à part entière, puisque les aventures qu’il interprète à présent – comme cette belle histoire de la forêt des heures – sont des créations originales, des contes. Mais qu’est-ce qu’un conte ?  Au Moyen-Orient ou en Inde , par exemple, les contes comptent parmi les plus nobles véhicules de la philosophie, c’est à dire de la sagesse. Car là-bas comme ici les livres de morale ont toujours ennuyé tout le monde. Mais par le biais du conte, dont la logique est plus proche de celle du rêve, de la poésie, que de celle d’un ordinateur, le conteur parvient à transmettre les messages essentiels et vieux comme le monde qui encouragent tout un chacun à vivre avec plus de patience et de joie au cœur.
Dans nos pays, depuis quelques dizaines d’années, jamais autant de livres n’ont été publiés. C’est sans doute ce qui explique pourquoi, par réaction, se lèvent de nouveaux conteurs. Car un livre est une parole figée, morte, et, le plus souvent, l’expression d’une angoisse personnelle, alors qu’un conte est toujours l’expression d’un peuple. Il n’est besoin, pour l’admettre, que d’assister aux spectacles que donne Jacques Coutureau devant des publics d’enfants émerveillés ou d’adultes qui prennent un profond plaisir à entendre ces récits qu’ils ne croyaient plus de leur âge. Car la confusion est tenace qui laisse à penser que le conte relève du monde de l’enfance, alors qu’il est, au contraire, le chant d’une culture, d’une culture d’adultes, un choix de mots et de situations que chacun peut entendre et comprendre à sa façon.
Jacques Coutureau n’écrit pas ses contes, car on ne raconte pas la même histoire de la même façon devant des publics différents ni dans des lieux qui ne se ressemblent pas. Il les transforme un peu chaque fois, ce qui donne à ses paroles un élan plus frais, une émotion plus naturelle, le goût des récits d’aventures qu’on a vécues pour de vrai et que l’on écoute avec les yeux : elles coulent suivant la pente du plaisir, accompagnées de chansons et de musiques qui font croire que les minutes où tout va mal durent moins longtemps que les minutes où tout va bien.

Yves Véquaud

***

Si vous ne trouvez pas le texte du conte dans le disque comme on l’y trouve habituellement, c’est un fait exprès. Je souhaite que les enfants écoutent mon histoire en laissant de côté la lecture, car lire et écouter sont des activités émotionnelles bien différentes. A cause de notre culture et de notre mode d’éducation, si un enfant lit un livre, on pense généralement qu’il s’instruit ; mais si un enfant écoute de la musique ou un conte, on considère qu’il ne fait rien, ou rien d’autre que de se distraire. En outre, le conte est spécifiquement lié à l’expression orale ; c’est ainsi qu’il est né, qu’il s’est transmis et transformé face à un auditoire autrefois illettré.
Ce qui prouve que le conte a survécu grâce à sa pensée magique qui vient nous toucher dans notre vie intérieure comme toute autre œuvre profonde et poétique, malgré et contre toutes les formes de la culture savante. Dans un disque, surtout où déjà manque la présence physique du diseur, il est bon d’écouter « à cœur ouvert », « les yeux fermés ».

Jacques Coutureau

****

Enregistré à Aubenas-les-Alpes du 22 au 28 Septembre 1977
Illustration de la pochette : Gérard Lo Monaco imprimée chez Montreuil offset
Édition : L’oiseau musicien (Saint-Martin-de-Castillon)
Label  : Edward Records ER 30008
Pressing : 112208 – France

Photographie : Michel Crespin

 

***

Acteur, conteur et chanteur, Jacques Coutureau (1945-2005) a participé aux créations de Pierre Débauche, Jean-Marie Serreau et Jérôme Savary avec qui il fonde en 1968 Le Grand Magic Circus et ses animaux tristes.

Conteur de récits d’animation et de traditions, il compose des musiques de chanson sur des textes de Roland Topor, pour le Grand Magic Circus, pour Jérôme Savary, ou encore Francis Warin.

À partir de 1984, il se consacre à sa compagnie de théâtre Les oiseaux de passage, et crée entre autre La Nuit des jouets, La Petite fille de Gulliver, Wouah ! Wouah !, Topor moi.