Notules de la page poésie parue dans le cahier Livres de La Croix du 9 mars 2023.
Nous nous attendons, précédé de Iris, c’est votre bleu
d’Ariane Dreyfus
Poésie/Gallimard, 272 p., 9,10 €
Ce volume, rassemblant deux recueils parus en 2008 et 2012, pointe l’évolution de l’œuvre d’Ariane Dreyfus, née en 1958. Par la chronique d’histoires intimes, moments racontés à vif, elle élabore une « utopie de porosité » incarnée par des « Il » et des « Elle » dans lesquels se projeter. En annexe, une passionnante section, « Chantiers de poèmes », permet d’entrer dans son atelier d’écriture. Elle y explique règles et expériences mises en œuvre pour que chaque texte puisse toucher et forger sa liberté face aux fracas des vies. « Un oiseau dont la force serait proche/J’ai chaud sous le pli de son aile/Puis tu desserres les bras, réellement c’est beau ».
Errer pauvre
d’Éliane Vernay
L’herbe qui tremble, 134 p., 16 €
« La haute mer a levé l’ancre – le cri des goélands est resté. Les vents s’enroulent, les cœurs sont loin,/on ne comprend pas ». Ce long poème d’Éliane Vernay, ponctué par d’envoûtantes peintures de Jérôme Delépine rappelant les lumières de Turner, est comme le support d’une méditation lente sur le temps et son occupation. « Sans rien savoir, bien sûr/sans être sûr de rien. », il appelle à s’accorder un lâcher-prise afin, peut-être d’aventure, de déceler quelque chose. « Trouver une parole/là où ça commence/où ça a commencé depuis toujours. » Une incitation à la déprise, pour mieux prendre soin de notre part fragile. « Alors revenir. Ce serait là et c’est là (…) quelque chose/simple,/noyau, un pétale tremblant un peu déchiré. »
Dans les sentiers de La Quête de joie
Sous la direction d’Isabelle Renaud-Chamska
L’herbe rouge, 240 p., 25 €
« Tous les pays qui n’ont plus de légendes/Seront condamnés à mourir de froid ». Ces vers de Patrice de La Tour du Pin (1911-1975), prélude à son fameux recueil La Quête de joie, contient la part de merveilleux et l’élan contenus dans l’œuvre d’un des grands poètes chrétiens du XXe siècle, compositeur d’hymnes et de psaumes ayant renouvelé la liturgie après Vatican II. Ce livre rassemble textes, poèmes et traductions de 35 écrivains lui rendant hommage. Colette Nys-Mazure, Gilles Baudry, Gérard Bocholier, Claude Vigée ou encore Henry Bauchau, retracent en amitié le parcours serein de celui qui se définissait comme « poète amoureux du Christ ».
Quelques gouttes de pluie sur la terre
d’Abbas Kiarostami
Traduit du persan par Niloufar Sadighi et Franck Merger
Rue du monde, 36 p., 9,50 €
Grand réalisateur iranien avec des films comme Le Goût de la cerise ou Le Vent nous emportera, Abbas Kiarostami, décédé en 2016, était aussi poète, adepte des formes brèves, éclats intemporels de paroles dans la nuit. « Pour la lune la question est :/ceux qui la contemplent/sont-ils les mêmes/qu’il y a mille ans ? » Ce tout petit livre très soigné, cadeau idéal pour le Printemps des poètes, propose une cinquantaine de ces poèmes, illustrés par sa compatriote Hoda Hadadi. Depuis Téhéran, elle a composé sept images épurées, jouant sur les textures et les motifs d’une langue ravivant la joie de ces mots chuchotés. « Un ruisseau court/dans un désert sans herbe/à la recherche/ de quelqu’un qui a soif ».
Stéphane Bataillon