À l’occasion du Printemps des poètes, qui explore – du samedi 11 au 27 mars – cette année le thème des frontières, le poète d’origine peule Souleymane Diamanka oppose dans son nouveau recueil « De la plume et de l’épée » l’usage des langues aux violences du temps.
Article initialement paru dans le cahier Livres & idées de La Croix du 8 mars 2023
De la plume et de l’épée
de Souleymane Diamanka
« Points poésie », Points, 176 p., 7,50 €
« Assis en cercle autour du feu depuis des siècles/Assis en cercle autour du feu depuis si peu… » Sur scène, le ton de sa voix, à la fois doux et puissant, impressionne. À 49 ans, Souleymane Diamanka ne veut plus faire de différence entre poésie, rap et slam. Venu des musiques urbaines, il figure parmi les pionniers du slam, ces textes déclamés sans musique, au début des années 2000. Parmi ses premiers spectateurs, Grand Corps Malade, qui rend hommage à son influence dans la préface ouvrant son nouveau recueil.
Après vingt ans de scène et de textes, il a créé une forme de spectacle singulier, le « One poet show ». Un programme de lecture qu’il fait évoluer au fil du temps : « Ce spectacle grandit en même temps que moi, avec en ce moment, la volonté d’user d’un lexique moins démonstratif. » Il est attentif à cette dimension sacrée d’une parole où chaque silence pourrait se reconnaître. « On m’a souvent reproché d’avoir une voix un peu monocorde. J’en ai fait une force, en travaillant la vibration qu’elle dégage. »
Né au Sénégal mais ayant grandi à Bordeaux, ses parents ne parlaient pas français mais peule. « Une langue extraordinaire, avec des rimes internes, une sonorité et des images constamment poétiques. » Dans ses textes, des bribes de celle-ci surgissent, se mêlent aux vers en français, sans toujours être traduits. « Son simple son enchante, transmet l’énergie voulue, joie ou mélancolie. Les deux langues se rejoignent dans le poème, comme un trait d’union qui donne naissance à mon univers. » Il tient à réciter ses textes par cœur, dans une scène poétique où la lecture est souvent la norme. « Cela permet de créer autre chose, un regard d’écoute avec le spectateur, dans ce monde où plus personne ne s’écoute. »
Toute l’année, il rencontre de nombreux adolescents. À chaque fois, il tente de leur faire passer, à partir du rap qu’ils connaissent bien, l’importance de la lecture, de la poésie, d’un soin à apporter aux mots qu’ils s’échangent. « Ce monde souffre des mots de violence qu’il prononce. Il a besoin de poètes pour dire : attention, vous devenez ce que vous dites et nous sommes changés par les mots que nous recevons. » Une langue à user comme une arme intime, motif de ce nouveau livre, édité dans la collection dirigée par Alain Mabanckou. « Dans le poème, nous livrons les mots que nous avons de plus cher. Il est important d’essayer de récupérer ceux de notre joie. » Afin, ensuite, de pouvoir les reprendre ensemble. « Assis en cercle autour du feu nous sommes en paix/Assis en cercle autour du feu nous sommes nombreux. »
Stéphane Bataillon