Les mains de Horowitz ne bougeaient presque pas
et ses doigts qui visitaient chaque touche
allaient se promener, et ne couraient jamais.
Quand il commençait à jouer
que la musique l’hypnotisait
ses épaules seulement respiraient.
La mélodie était en lui
dans ce corps vieux et fatigué
elle gambadait, elle bondissait
puis l’accalmie l’envahissait
son âme entière se reposait.
Quand Horowitz jouait Schubert,
les Impromptus devenaient solaires
la tristesse renvoyait au ciel
les fleurs d’automne les fleurs d’hiver.
Quand Horowitz jouait Schubert,
l’ombre des dieux planait sur Terre.
Lilia Hassaine
Des choses sans importance, L’Iconopop, 96 p., 14 €
Écoutez ce poème (lecture : Stéphane Bataillon) :
Journaliste et romancière remarquée pour ses deux premiers romans chez Gallimard, L’Œil du paon et Soleil amer, dans la sélection du Goncourt 2021, Lilia Hassaine propose, avec Des choses sans importance, son premier recueil de poèmes. Elle y relève les émotions glanées depuis l’enfance (« l’ennemi mortel qu’on s’est fait à huit ans ») , les détails étonnants (« Dans une vie, on dort vingt-cinq ou vingt-sept ans / Les insomniaques vivent plus longtemps ») et les phénomènes du temps comme ces influenceuses si prisées des jeunes filles (« Je ne leur dis pas d’être elles-mêmes / mais de devenir moi-même »). Elle met aussi en rimes les illusions de l’amour, les violences conjugales, les exils déchirants, dans une chronique fluide de ce monde flottant. Souvent proches de l’aphorisme, ses poèmes racontent avant tout des histoires pour s’attacher les cœurs. « Les bons contes / font les bons conteurs ».
Stéphane Bataillon