Plus qu’une prière, une réflexion ou une photographie de mon réel, chaque poème que je fais tente, en modeste architecte, d’établir un nouveau temple. Un temple de montagne à mesure des hommes, comme celui de notre village dans les alpes vaudoises, où le plafond est comme une coque de bateau inversé. Mes briques sont les 26 lettres, plus quelques signes de ponctuations, et des espaces. Lignes blanches marquant d’un poinçon le silence.
Je m’amuse à expérimenter différentes dimensions, différentes hauteurs, différents ornements. Avec dans les bons jours, au moment de mettre le point final qui sonne comme un appel, cette sensation de faire ce que je dois, et veux, faire, être. Cette joie a bien sûr quelque chose à voir avec la dimension spirituelle de ma vie. Cette intériorité que je creuse, que je découvre pièce après pièce, vers après vers et qui, tel le chat de Schrödinger, se transforme au fur et à mesure que je la découvre, que je la formule, que j’y apporte aussi de nouvelles références, d’autres nourritures, d’autres épices.
La traduction des Psaumes, que j’essaye de réaliser en restant au plus proche du texte hébreu, m’apporte une énergie que je n’ai absolument pas soupçonné avant de commencer ce « travail » qui, en vérité, est la joie de mes jours. Il a non seulement réactivé une source poétique tarie ces derniers mois, obstruée par les contraintes de l’existence, mais il a également offert à cette eau de nouvelles saveurs : la répétition des termes, des thèmes, l’usage strict de deux temps : l’action accomplie et celle qui ne l’est pas, ou pas tout à fait, une double adresse, alternant entre le monologue et la louange ou l’appel au secours. Des éléments réduits, simples, mais qui, au fil des traductions et des commentaires, montrent depuis près de 2 500 ans leur infinie richesse. Un verger d’écriture que, chaque jour, j’ai le plaisir et le privilège de jardiner. C’est mazag.