Comme Noé
je construis
– juste en imagination –
une arche où accueillir
deux représentants
heureux ou malheureux – qu’importe –
de chaque espèce amoureuse
La suite serait conforme en tous points
aux récits
sacrés et profanes
Ainsi
comme l’humanité pour Noé
j’aurais sauvé
de l’amour
le bien, le mal
et l’énigme insondable
Abdellatif Laâbi
Ce que poète désire. Anthologie de poèmes pour la jeunesse,
illustrations de Laurent Corvaisier, Rue du monde, 112 p., 17,80 €
Écoutez ce poème (lecture Stéphane Bataillon) :
Face à toutes les violences et les empêchements, Abdellatif Laâbi oppose « un appétit d’avenir » et « juste trois jours/où l’amère réalité acceptera/de se soumettre au rêve » afin de contempler « telle ou telle beauté/que dans notre cécité actuelle/nous n’arrivons plus à discerner ». Né à Fès en 1942, fondateur de la revue Souffles au Maroc en 1966, révolutionnant la poésie arabe, emprisonné dix ans pour délit d’opinion puis exilé en France, ce grand poète, prix Goncourt de la poésie en 2009 et grand prix de la francophonie de l’Académie Française en 2011, propose une anthologie personnelle originale. Un choix d’une cinquantaine de poèmes destinés aux adolescents, magnifiquement illustrés par Laurent Corvaisier et présentés par thèmes, pour entrer dans une poésie à la fois tendre et tendue, ne renonçant jamais à la révolte contre l’injuste.
Stéphane Bataillon
Retrouvez ce poème dans La Croix L’Hebdo du 27 mars 2021