Au nord du rempart se dressent les montagnes vertes
La ville, à l’est, est ceinte par les eaux blanches
C’est ici même que nous allons nous séparer
Et commence pour chacun la longue marche solitaire
Les nuages flottants reflètent l’état d’âme du voyageur
Le soleil couchant comprend si bien les sentiments de l’amitié
Un geste de la main et à chacun sa route
Laissons les hennissements des chevaux entrer en résonance
Li Bai
Traduit par J.M.G. Le Clézio et Dong Qiang
Dans Le Flot de la poésie continuera de couler, Philippe Rey, 208 p., 20 €.
Écoutez ce poème (lecture Stéphane Bataillon) :
Le nouvel ouvrage de J.M.G. Le Clézio, prix Nobel de littérature en 2008, est un essai sensible qui nous entraîne à la découverte des poètes chinois de l’époque Tang (618-907). Une période furieuse, secouée par le bruit des armes, les cris de l’amour et l’ivresse procurée par le vin sous le ciel de paysages magistraux. Autant de sujets d’inspiration pour des poèmes qui chantent aussi, en contrepoint, les tremblements plus subtils d’une nature devant laquelle l’homme se prosterne. À côté de Wang Wei ou Bai Juyi, Li Bai fut l’un de ces poètes aventuriers et contemplatifs. Il est en exil lorsqu’il répond avec ces vers à son ami Du Fu, également poète, qui s’inquiète d’être séparé de lui.
La traduction de ces poèmes est le fruit d’un compagnonnage entre l’écrivain J.M.G. Le Clézio et le professeur Dong Qiang de l’université de Pékin, également poète et calligraphe. Ses œuvres, mêlées à d’autres pièces de l’art chinois, permettent de s’évader sur les anciens sentiers de l’empire du Milieu, quand les lucioles rythmaient encore la nuit.
Stéphane Bataillon
Chronique initialement parue dans La Croix L’Hebdo du 2 janvier 2020.