Parce que nous ne pouvions plus dormir nous reprîmes
la route bien qu’au début j’y voyais mal ;
derrière nous le soleil se levait
blanc et froid ; le vent
matinal a surgi du soleil.
Devant nous, des collines basses, des dunes
d’herbe gris-jaune, et puis
des montagnes : dures, sillonnées
par l’érosion, sans nuages, vieilles, neuves,
abruptes dans les premières lueurs du jour.
Avec nos doigts recroquevillés
nous avons mangé nos oranges et notre pain,
en frissonnant dans la voiture à l’arrêt ;
conscients que nous n’avions
auparavant jamais été là
nous savions que nous avions déjà été là.
Margaret Atwood
Laisse-moi te dire… Poèmes 1964-1974. Traduit de l’anglais par Christine Évain, Éd. Bruno Doucey, 168 p., 16 €.
Écoutez ce poème (lecture Stéphane Bataillon) :
Margaret Atwood, la romancière star de La Servante écarlate et de sa suite, Les Testaments (1987 et 2019, Robert Laffont) est également poète. Publié en 1970 et écrit lors d’un de ses voyages à la découverte de son immense pays, ce texte est traduit pour la première fois en français, à l’occasion de la parution d’une anthologie couvrant dix ans de sa production. Margaret Atwood, devenue « trop célèbre » selon elle, a d’ailleurs décidé de se concentrer désormais sur son œuvre poétique, aussi puissante que ses romans et encore trop peu connue dans nos contrées.
Stéphane Bataillon