Article initialement paru dans la page « Poésie » du cahier Livres & idées de La Croix du 27 février 2020
Le second volume de poèmes de Cécile Coulon, déjà appréciée pour la sensibilité de ses romans, creuse la veine d’une poésie contemporaine accessible et tranchante.
Il faut se méfier des phrases simples. De ces tranches de vies racontées, assez courtes pour être partagées d’un clic sur les réseaux sociaux. De ces instants relatés avec les mots du jour, du ciel, et des nuits étoilées. Il faut se méfier des phrases simples comme « Je me promène parmi les miens et je ne les comprends pas. (…) Ils ont peur de choses qui n’arriveront jamais/et si par malheur elles arrivent ils se lamentent/et disent : jamais je n’aurai imaginé que ça m’arriverait ». Ce sont celles qui persistent, généralement. Celles qui activent nos puissances intimes et nous transforment, par légère résonance, sans même que l’on s’en aperçoive. Cela arrive souvent avec les poèmes en prose de Cécile Coulon, qui publiait en août dernier son septième roman, Une bête au paradis (L’Iconoclaste, La Croix du 22 août).
Contant au plus proche les émotions d’une écrivaine à succès débordée, elle sillonne les routes de France depuis son noir volcan : sa ville de Clermont-Ferrand, où elle revendique de demeurer malgré les appels du microcosme littéraire parisien. Notant son manque de temps, ses regrets, et toutes ces joies simples masquées par nos mille urgences, elle apprend « à vivre avec un nouveau soleil dans la poitrine/pendant que d’autres préparent des flèches, des stratégies et des promesses de dévastation ».
Les sauts de ligne fréquents distinguent cette poésie en prose de l’écriture romanesque et imposent un rythme révélant mieux les routes de cette carte du tendre. Ici, pas d’expériences formelles. Pas d’alchimie savante du langage porté à son incandescence. Mais la flamme d’une trentenaire d’aujourd’hui, prenant soin des mots pour partager avec nous ses observations sur l’existence.
Céline Coulon, dont l’intense dialogue avec ses lecteurs et lectrices sur Facebook réjouit autant qu’étonne, touche un public peu habitué à la poésie. En 2018, Les ronces, son premier recueil, avait créé l’événement en remportant le prestigieux prix Apollinaire, d’ordinaire réservé à des poètes plus confirmés, avec plus de 10 000 exemplaires vendus – un chiffre rarement observé dans cette catégorie. Et si son succès, comme celui de Rupi Kaur, connue dans le monde entier grâce à ses textes postés sur le réseau Instagram, permettait de rallier la poésie à son public premier ? Celui de cœurs battants attachés à redonner au lyrisme son droit de cité. Au risque, maîtrisé, de l’éruption des sentiments.
Stéphane Bataillon
Noir volcan, de Cécile Coulon, Le Castor Astral, 160 p., 15 €