La forme est un carcan impossible. Sans limites. Avec son œil, sa liberté intérieure irréductible, comme au Go. Prenons le haïku. Forme réduite, à la cuisson, sans gras. 3 vers 17 syllabes, et pas n’importe quel ordre. Et pas de Je. Et un mot imposé sur la saison. Bref, la camisole, de loin. Et puis commencer, déborder un peu, ajouter son je, son petit soi, parce quand même, ça apportera quelque chose en plus, non ? Sa touch. Et puis s’affranchir. Et puis prendre la forme au sérieux. Suivre la règle du jeu. Se laisser imposer, imprégner. Perdre le match. Silence. Ténèbres. La forme. Elle est là. Nue. Lue, toujours un peu sur le même ton. Pas besoin. De ton. D’intonation d’ailleurs. Du Japon, mais bon. On s’en affranchi. Ça pourrait être là. Ici là. Avec notre pollution aux particules fines, nos libellules et nos mauvaises herbes qui percent le bitume. Figure de style. Observée. Motif, jusqu’au symbole. Bref. On prend la forme. Brève. Et on y entre. Sans rien bousculer des parois. En s’y fondant. En la remplissant à la goutte près. Jusqu’à ce que plus rien ne distingue notre forme de la forme de l’autre, là-bas, qui voulait faire son intéressant comme nous tout à l’heure au début mais finalement non. Demeurer quelques instant là, à l’intérieur de la forme, à l’extérieur pour mieux l’observer. Don. D’ubiquité. On est bien. Putain ce qu’on est bien. Là. En forme. On est. En forme.
« Ne soyez jamais pris dans le rêve de l’autre »
C.o.p (Conférence originale du poème) : Gilles Deleuze, « Qu’est-ce que l’acte de création », conférence donnée à la Femis le 17 mars 1987.