Notre-Dame est bien vieille : on la verra peut-être
Enterrer cependant Paris qu’elle a vu naître ;
Mais, dans quelque mille ans, le Temps fera broncher
Comme un loup fait un bœuf, cette carcasse lourde,
Tordra ses nerfs de fer, et puis d’une dent sourde
Rongera tristement ses vieux os de rocher !
Bien des hommes, de tous les pays de la terre
Viendront, pour contempler cette ruine austère,
Rêveurs, et relisant le livre de Victor :
— Alors ils croiront voir la vieille basilique,
Toute ainsi qu’elle était, puissante et magnifique,
Se lever devant eux comme l’ombre d’un mort !
Gérard de Nerval, Odelettes (1834)
Écoutez ce poème (lecture Stéphane Bataillon) :
Il n’aura pas fallu attendre mille ans pour que la prophétie de Gérard de Nerval se réalise. Ce poème écrit à la suite du roman de Victor Hugo, que Nerval mentionne affectueusement, sonne juste. Résonne fort. Moins par son récit de la destruction de l’édifice que pour l’évocation des forces d’imagination que Notre-Dame, fût-elle réduite à quelques pierres, est capable de réveiller. Un élan calme et lumineux qui accompagne notre regard vers ce plus grand que nous. Comme à la lecture d’un poème qui nous touche, la cathédrale inspire un nouvel espace, un espace intérieur où sentir le sacré. Une transcendance heureuse qui ne peut pas finir.
Stéphane Bataillon @sbataillon
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