Tu vois, je veux beaucoup.
Je veux peut-être tout :
l’obscurité dans l’infini de chaque chute,
le jeu tremblant de lumière de chaque ascension.
Il y en a tant qui vivent et ne veulent rien
et que les plats sentiments de leur facile tribunal
font rois.
Mais toi, tu te réjouis de tout visage
qui sert et qui a soif.
Tu te réjouis de tous ceux qui ont besoin de toi
comme d’un ustensile.
Tu n’es pas encore froid, il n’est pas trop tard
pour plonger dans tes infinies profondeurs
où la vie paisible se révèle.
Rainer Maria Rilke
Auteur des célèbres Lettres à un jeune poète, Rainer Maria Rilke écrit ce livre en 1899, au retour de son premier voyage en Russie en compagnie de Lou Andreas-Salomé. Il lui dédie ces écrits d’un moine imaginaire. Il y développe une mystique subtile, empruntant autant à l’âme slave qu’au Zarathoustra de Nietzsche, ancien compagnon de Lou. Rilke complétera plus tard ce recueil par le Livre du pèlerinage (1901) et le Livre de la pauvreté et de la mort (1903) pour constituer Le Livre d’heures, l’une de ses œuvres maîtresses. Poésie forte et épurée, ce texte est l’un des plus cités par Etty Hillesum dans son Journal.
Cette nouvelle traduction commentée, en format poche et en version bilingue, permet pour la première fois de découvrir les commentaires ajoutés par Rilke sur le manuscrit original conservé par son amie. Ils permettent de lire ce livre comme un grand récit d’aventure intérieure.
Stéphane Bataillon
Rainer Maria Rilke, Le Livre de la vie monastique, traduit de l’allemand et présenté par Gérard Pfister. Bilingue, Arfuyen, 200 p., 16 €.
Retrouvez cette chronique dans le n°5 de La Croix L’Hebdo et sur le blog « Un poème pour la route » : https://poesie.blogs.la-croix.com/