Rayon poésie. Un homme commence à me parler. C’est bien, Nimrod ? Il vient d’où, d’Afrique ? Il est Américain ? Il est vivant ? Oui, très, je… Il n’écoute pas ma réponse, embraye, commence à me parler de sa lecture d’aout 1991, de castors apprivoisés et de souris -il a des souris, chez lui- d’un homme qui vient de lui donner 1 euro pour acheter un livre de García Márquez parce que sa carte bleue est bloquée et qu’heureusement que son banquier lui a fait ouvrir un PER en 1994. Il a les ongles très sales, l’œil pétillant, me parle d’un livre de Pasolini attaqué par les souris. Un livre Gallimard, tranche bouffée, pâte à papier. Je vais, je veux partir. On m’attend. Il embraye avec ses fenêtres qu’il doit refaire. Ça coûte cher, une fenêtre, très. Il les veut en bois, pas en PVC parce que je veux vraiment partir et alors il commence son histoire. Sa vraie histoire de l’autre jour. Pas de 91 ou de 94, son histoire d’escargot. D’un qu’il a trouvé sur le rebord d’une fenêtre. En bois. La fenêtre de la femme chez qui il avait toqué, trois coups, pour demander des sacs poubelles, parce qu’il avait oublié la remorque. Il a pris l’escargot et l’a mis dans le portefeuille en cuir qu’on venait de lui offrir / qu’il venait de trouver. Pour le déposer au jardin. Qu’il soit bien. Et puis oublie. Rentre chez lui et retrouve l’escargot. Dans le portefeuille. Oh ! Il le sort, le pose sur la bibliothèque, celle avec le livre de Pasolini. Et puis, pouf ! L’escargot disparait. Il le cherche. Il était monté tout en haut de la bibliothèque. Sur une caisse en bois. Il aimait lire quoi, cet escargot ? Ça change des rats de bibliothèques. Alors il ressort, le dépose enfin, au jardin. Je lui dis que ça c’est une super histoire. Je n’ose lui dire que je vais en faire un texte de peur de relancer la conversation mais… il a compris. Bonne chance pour les fenêtres et bonne lecture. J’ai glané un ami. Ou deux.