Drazig, jeune lycéen, vient de perdre sa mère. Ne s’en remet pas. Mais reprend, grâce à ses amis, le cours de la vie dans sa petite ville d’Alric-sur-roche. Problème : un serial killer tue les jeunes filles dans le Bois des Hauteurs et la menace est proche, bizarrement proche de lui. Mais que se passe t-il ?
Après La proie, impressionnante bande dessinée-univers de mille pages parue en 2014 chez Glénat, David de Thuin nous revient avec le corps à l’ombre, un récit étonnant, entre Blacksad et le Chlorophylle de Macherot, qui rappelle son excellente série autoéditée, Le roi des bourdons, parue il y a une dizaine d’années. Un thriller haletant, jouant du paradoxe entre la représentation animalière des personnages et une histoire angoissante, intensifiée par le fait qu’il n’utilise aucun artifice, aucun effet dans son récit, restant à la hauteur de cette bande d’amis et du presque banal de la vie quotidienne. L’enquête progresse sous nos yeux, lecteur-adjoint du héros qui se passionne pour ce mystère aux vertus thérapeutiques.
Avec cette album, dont le grand format permet d’apprécier la pleine maîtrise de l’auteur et la profondeur des couleurs posées par Caroline Blanchart, De Thuin poursuit l’invention d’une nouvelle modalité narrative, très personnelle, mêlant la clarté et l’ironie de la bande dessinée classique franco-belge (on pense à certains épisodes du Félix de Maurice Tillieux) et le rythme haletant et les sous-intrigues multiples des séries américaines (rythme permis par une structure originale en épisodes de 2 à 6 pages entourant un grand chapitre central). Le tout baignant dans une tendre peinture introspective des liens unissant ces amis face aux différentes morts qui les touchent. Des liens qui ne sont pas cimentés par la peur mais par le tact nécessaire pour ne blesser personne.
Un usage du monde, une sorte d’éthique sensible, qui constitue peut-être le legs le plus personnel de l’auteur dans cet album. Un récit prenant, mature, sur l’enfance et le deuil. Sur l’envie, le désir et comment on les comblent, chacun à sa façon. À lire sans trop attendre.
Le corps à l’ombre, par David de Thuin avec la collaboration de Caroline Blanchart, Ed. Glénat, 64 pages. En librairies.
Découvrez quelques planches de l’album ici : http://bit.ly/1NLqwZQ